Bruno Gendron : Renouvellement de la présidence à la Fédération

Réélu à la tête de la Fédération des Aveugles de France, Bruno Gendron revient sur son engagement, ses priorités et les défis à venir.

Vous venez d’être réélu à la présidence de la Fédération. Dans quel état d’esprit abordez-vous ce nouveau mandat ?

J’ai pleinement conscience des combats à mener pour garantir une citoyenneté effective des personnes déficientes visuelles et pour améliorer leur autonomie. Ces combats s’inscrivent dans un contexte international, européen et national pour le moins instable et avec un monde associatif en profonde transition. Tout en conservant nos valeurs fondatrices, il nous appartient collectivement de nous adapter à cette situation avec exigence, professionnalisme, sérieux et pugnacité.

Pourquoi avez-vous choisi de vous engager dans la Fédération des Aveugles de France ?

Cette Fédération et sa vision sont en cohérence avec mes valeurs personnelles : notamment, et je ne cesse de le rappeler, le fait que les personnes aveugles et malvoyantes doivent être au cœur de la démarche fédérale, en définir les orientations et les priorités et ce, avec l’ensemble des professionnels de la Fédération. J’aime la méthode de co-construction des actions qui se fait en tenant compte de l’expérience des personnes concernées conjuguée à l’expertise des professionnels et en y associant, sur la base du volontariat, les membres du réseau qui le souhaitent. J’aime le travail d’objectivation des plaidoyers qui caractérise aussi notre façon de travailler. Le « rien pour nous sans nous » désormais à la mode, constitue, depuis les origines en 1917, notre ADN.

Quel est les combats que vous portez aujourd’hui avec votre Conseil d’administration et votre réseau ?

La lutte contre les disparités territoriales, 1 département sur 2 ne propose pas de prise en charge en réadaptation pour les personnes adultes en situation de handicap visuel… La suppression de la barrière d’âge alors qu’1/3 de la population française aura plus de 60 ans d’ici 2050 (le travail sur les personnes de plus de 60 ans qui s’initie constitue un des leviers pour le maintien de l’autonomie des personnes), la scolarisation et le numérique. Aujourd’hui seuls 3% de sites accessibles aux personnes déficientes visuelles. J’ajouterais des professionnels de qualité, convenablement formés et qui respectent les spécificités des personnes déficientes visuelles.

Vingt ans après la loi handicap, que dit l’accessibilité universelle de l’état réel des droits des personnes aveugles et malvoyantes ?

Nous avons tout l’arsenal juridique qui permet une pleine accessibilité, ce qui fait qu’en droit, nous sommes de ce point de vue, citoyens à part entière. Mais dans la réalité, le compte n’y est pas et s’il est permis à une personne qui voit d’accéder à tout sans barrière, il en est autrement pour les personnes en situation de handicap en général, pour les personnes déficientes visuelles en particulier. Au final, l’idée est de pouvoir vivre comme tout un chacun, avec les aménagements et les compensations qui le permettent.

Que réclamez-vous concrètement à l’État dans ce domaine ?

Dans un monde où il est de bon ton de dire qu’il y a trop de normes et trop de sanctions, que serait l’accessibilité en général (des déplacements et du numérique) sans les normes qui ont été fixées par la loi ? que serait une loi qui ne prévoirait pas de sanctions en cas de non-respect ? Dans l’idéal et parce qu’il est usuel désormais de parler d’inclusion, et la communication politique s’en fait très largement l’écho, il va de soi que l’accessibilité doit être pensée en amont pour toutes et tous et c’est sans doute autour de cette incitation au « tout accessible » qu’il faut convaincre les partenaires, l’Etat entre autres. Enfin, il est plus qu’urgent de passer aux actes concrets.

Si vous pouviez faire passer un message aux décideurs publics aujourd’hui, quel serait-il ?

La personne aveugle ou malvoyante est d’abord une personne et à ce titre, elle doit jouir de tout ce à quoi une personne peut prétendre, selon ses envies et besoins.

Et si vous deviez adresser un message à une jeune personne aveugle ou malvoyante qui doute encore que les choses peuvent changer ?

Si je reviens à l’ADN de la Fédération, je lui dirais « engagez-vous à nos côtés » pour faire changer les choses. N’est-ce pas l’inspiration d’origine qui a conduit les « gueules cassées » de la première guerre mondiale à s’engager ? Si l’on n’est jamais certain que nos engagements porteront leurs fruits (on peut l’espérer en tout cas) on est certains que si nous ne nous engageons pas, rien ne bougera.

Après toutes ces années d’engagement associatif au niveau régional et national, y a-t-il un souvenir ou un moment vécu au sein de la Fédération qui vous a particulièrement marqué ?

Je ne dirais pas un événement en particulier mais ce qui me porte c’est que lorsque je visite les associations de notre réseau, je constate un véritable vivier de personnes ressources, d’actions qui permettent plus d’autonomie et plus de citoyenneté pour les personnes aveugles et malvoyantes. Et il y a de vraies attentes de ce réseau vis-à-vis de la Fédération et cela me porte dans mon engagement.