Transcription de la vidéo de Hakim
Que voyez-vous ? Hakim est aveugle, mais quand il intervient sur France Culture ça ne se voit pas.
Hakim Kasmi : Moi je suis non-voyant de naissance avec toujours cette volonté, ce rêve de devenir un jour journaliste. Entre avoir des rêves et pouvoir les réaliser il y a souvent une grande marge, encore plus quand on est handicapé… Quand on ne voit pas, c’est pas évident parce que les livres ne sont pas transcrits pour nous, il faut travailler deux fois plus que les autres, et parce que quand on a un handicap, les gens vous diront toujours que ça n’est pas possible. Donc malheureusement il faut se bagarrer toute sa vie, et il faut aussi être très autonome, j’insiste beaucoup là-dessus. En France quand je fais des reportages, je me déplace tout seul et la j’y mets un point d’honneur parce que je ne veux pas passer pour un journaliste reporter qui soit assisté. Alors pour pouvoir être autonome, il faut bien-sûr avoir des logiciels adaptés. Moi j’ai une imprimante Braille, pour pouvoir lire mes billets à l’antenne. J’ai une synthèse vocale pour pouvoir lire et un terminal Braille. Après ce qui est compliqué pour nous c’est l’accès à l’information. On a pas une vision panoramique des choses, on doit d’abord découvrir l’information en la lisant de manière linéaire, alors que eux les voyants ont une lecture diagonale et savent tout de suite ce qu’il va les intéresser. Et ça c’est l’une des grandes difficultés pour nous, surtout quand on a qu’une heure ou deux pour faire un sujet. Il y a aussi la difficulté de lecture Braille parce que quand on lit en Braille, on lit avec nos doigts bien-sûr, de gauche à droite, mais on découvre tout au dernier moment. On a une lecture souvent saccadée. Vous devez lire aussi bien qu’une personne qui voit, et quand on perd sa ligne et ben là il faut savoir improviser.
On a tous une voix, un style, et moi j’ai une particularité c’est d’avoir une voix un peu voilée… ça a toujours été comme ça, je suis né comme ça. C’est important d’avoir une voix souriante, de la chaleur dans la voix, un vocabulaire châtier, ça c’est aussi une des particularités de la ligne éditoriale de France Culture. Ce sont des sujets très complexes, d’où l’importance d’être très pédagogue à la fois dans l’écriture puisque c’est das notre métier, que le ton. Il ne faut pas barber les auditeurs entre guillemets. Aujourd’hui il y a peut-être que 20% des non-voyants et des personnes handicapées qui accèdent aux études supérieures. D’où l’importance de grandes associations et de fédérations comme la Fédération des Aveugles de France pour aller voir les entreprises, leur dire que quand on ne voit pas, on peut malgré tout travailler. Le travail aujourd’hui c’est une manière aussi de s’épanouir dans son quotidien, de ne pas être isolé. On peut rester isolé chez soi parce que le monde réel est compliqué. Faire mon métier ça demande une débauche d’énergie très très importante. On est vraiment toujours en sur-régime comme je dis. J’aime beaucoup les défis, dans la vie j’ai toujours fonctionné avec les challenges et les défis. Sinon je m’ennuie. Donc oui pour moi la bataille n’est pas terminée, loin de là. Moi plus tard, j’aimerai beaucoup avoir un poste d’encadrant, pour montrer qu’on peut être handicapé, et avoir des postes d’encadrants ce qui n’est pas toujours évident aujourd’hui en France parce qu’il y a beaucoup de préjugés.
Les aveugles et malvoyants ne manquent pas de volonté. Ils manquent de moyens. Aidons-les chacun à notre façon sur www.aveuglesdefrance.org.
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