Sites internet inaccessibles (Acte 2) : Les Aveugles se portent en justice
Pour mémoire
En juillet dernier, des citoyens aveugles lassés de se heurter chaque jour à l’inaccessibilité de sites internet ont saisi la Secrétaire d’État chargée des personnes handicapées afin qu’elle fasse appliquer la loi, à savoir qu’elle use des pouvoirs qui lui sont conférés pour informer les organismes concernés par un défaut d’accessibilité de leur site, observer leur réaction et envisager, selon le cas, de prononcer une sanction administrative à leur endroit.
Dans ce contexte, ces personnes avaient donc saisi la Secrétaire d’État en pointant du doigt des sites qui posaient un problème. Ceux du Crédit Coopératif, de la FNAC, de LVMH, de la Société Auchan Hypermarché, du Conseil départemental des Yvelines, de la Tour Eiffel, de Zoo Plus (vente en ligne). En parallèle, l’association apiDV, l’un des membres de la CFPSAA, avait interpellé la Secrétaire d’État quant à l’inaccessibilité de « Pronote », le logiciel de gestion de vie scolaire inutilisable par les enseignants, parents d’élèves ou élèves déficients visuels.
La CFPSAA qui se bat au quotidien pour l’accessibilité numérique s’est émue de ces démarches individuelles et les a soutenues, notamment dans un communiqué relayé fin octobre par la presse et les réseaux sociaux.
La situation aujourd’hui
Ces courriers adressés l’été dernier n’ont jamais reçu de réponse, ni même, d’accusé réception en provenance du Secrétariat d’État ! En cas d’absence de réaction et lorsqu’un délai de deux mois est écoulé, le dispositif juridique permet d’aller en justice sous la forme d’un recours en excès de pouvoir devant le Conseil d’État. Les plaignants, pour six des saisines concernées ont donc pris la décision de recourir à cette solution et les recours sont effectifs depuis cette semaine. Ils concernent :
- La Société Auchan
- La Fnac
- LVMH
- La Tour Eiffel
- Le Département des Yvelines
- Zoo Plus
C’est une première ! Cela ne s’était encore jamais vu et la CFPSAA qui porte, pour ces plaignants, les recours devant le Conseil d’État souligne la force volontaire de leur action, au nom de l’ensemble des personnes déficientes visuelles qui subissent au quotidien des difficultés supplémentaires face à l’inaccessibilité du web et qui se trouvent ainsi en situation de discrimination.
Rappel de la loi
Depuis la loi du 11 février 2005, l’accessibilité des sites internet, intranet et extranet des organismes publics est devenue une obligation répondant au droit à l’accessibilité des personnes handicapées (plus de 12 millions de français et de françaises sont concernés). Les directives européennes, lois et décrets qui ont suivi ont renforcé cette obligation, notamment en l’étendant aux entreprises et organismes privés. L’article 47 de la loi du 11 février 2005 précisait déjà que la sanction en cas de manquement à cette obligation est prononcée par le ministre chargé des personnes handicapées. De plus, les organismes concernés doivent impérativement publier en ligne une déclaration du niveau d’accessibilité de leurs services de communication au public.
Le recours pour excès de pouvoir est un « recours contentieux tendant à l’annulation d’une décision administrative et fondé sur la violation par cette décision d’une règle de droit ». Il « est ouvert même sans texte et a pour effet d’assurer, conformément aux principes généraux du droit, le respect de la légalité ». Le recours est l’action de demander au juge administratif (tribunal administratif, cour administrative d’appel, Conseil d’État) de prononcer l’annulation d’un acte édicté par une personne morale de droit public ou une personne morale de droit privé qui s’est vu conférer des prérogatives de puissance publique.
Paris, le 24 novembre 2021